Comme je l’ai déjà écrit dans un précédent billet, j’ai reçu il y a quelques temps l’illustration de mon livre, créée sur mesure par Virginie Carquin, une
artiste de talent et mettant en image une scène que j’ai décrite. La
représentation est fidèle à ma demande en tout point et donne même bien mieux
que ce que j’avais en tête (je ne suis pas très visuel quand il s’agit de
dessin).
Si vous avez oublié à quoi ressemble Isulka
Pourtant, lorsque j’ai découvert Isulka sur le papier, en
couleur, j’ai été étonné et troublé. Elle ne ressemble pas exactement à ce que j’avais
dans l’esprit : son visage est différent, tout comme sa posture ou son
expression, si bien j’ai eu l’impression d’être devant une autre créature,
terrifiante, dont le regard me déstabilisait et me mettait presque mal à l’aise.
Cela a été une première rencontre, un peu difficile, où l’être que je
connaissais intimement, car étant son créateur, tout de même, me montrait que non, je ne
connaissais pas tout d’elle et surtout que je ne maîtrisais pas tout d’elle. La
Isulka qui me regardait avait quitté mon imaginaire pour entrer dans celui de
la peintre avant d’en ressortir altérée, libérée.
Car oui, jusqu’à cet instant précis, j’étais pour ma
personnage un dieu, omniscient, omnipotent qui usait d’elle à ma guise, sans
égard pour son bien-être, la conduisant d’expérience en expérience dans le but
unique de créer une histoire intéressante dont elle était autant l'héroïne que la victime. J’étais son Victor Frankenstein,
décidant de son apparence, de sa démarche, de son étincelle de vie. J’étais son
marionnettiste, l’animant comme il me plaisait, sans qu’elle ne puisse, simple
personnage, protester ou même simplement penser protester. J’étais son goa'uld,
décidant de ce qu’elle pensait sans lui laisser autre chose que l’illusion du
choix, encore une fois à son insu. Enfin, j’étais ses trois Parques, brodant de ma page word son destin et celui de ceux qui la côtoyaient, cruelles et
implacables tisserandes.
Mais voilà, je n’ai pas fait que créer une coquille vide, un
golem d’encre et de papier mais belle et bien une nouvelle prométhéenne: lorsque
le livre est lu, je ne suis plus là à contrôler qui elle est et elle peut s'échapper de la prison que je lui ai bâtie. Bien sûr j’ai écrit
la trame, ses réactions, ses pensées, mais l’interprétation de ce que j’ai écrit
a dorénavant lieu dans l’esprit du lecteur et c’est lui qui lui insuffle une
vie indépendante, car cette femme que j’ai imaginée, celle que j’ai créée par
un acte proprement démiurgique n’est plus celle que vous lisez, ni, à défaut,
celle que vous pouvez voir et contempler sur cette splendide illustration. Pas
uniquement en tout cas.
Isulka s’est émancipée de moi, pour le meilleur et pour le
pire, ce qui, à mon humble avis, est l’essence même de l’art. Plus elle sera lue,
plus sa flamme sera forte et indépendante ce qui, avouons le, sied davantage sont caractère que celui de simple victime de la plume.
J’espère en tout cas qu’elle a su vous convaincre de lire ses aventures !
Dorian Lake
8 commentaires:
Cette illustration est magnifique ! Le feu derrière elle... On sent bien qu'Isulka n'est pas du genre à se laisser faire et que partout où elle passe, il y a du grabuge.
Encore une fois, j'aime ton style. Rien que cet article de blog est un étalage de ton don à manier les mots. Chapeau.
J'ai vraiment hâte de lire ton roman quand il sortira :p
"Le Goa'uld", ça m'a fait trop rire XD
Merci pour ton commentaire Akemi!
J'aime beaucoup le travail de Virginie sur cette illustration. J'espère qu'elle prendra le temps de réaliser celle des prochains tomes.
Et surtout, merci pour ton enthousiasme, ça fait plaisir à lire!
J'adore cette illustration. Très bon choix de lumière. Bravo à Virginie Carquin! (Et à toi aussi, quand même. xD)
Ce qui est un peu… Étrange peut-être ?… C'est que tu parles d'une expérience qui m'est totalement inconnue. J'entends beaucoup d'auteurs qui disent "construire" un personnage. Je n'ai jamais pu faire ça. Ce qui prouve à quel point je suis mauvais. Je n'ai aucun contrôle sur eux. Ils arrivent, ils posent leurs bagages et squattent mon bureau. Ils me réveillent la nuit, ils m'engueulent dès que je leur fait dire des choses qu'ils n'ont pas dites.
Je suis la marionnette et à chaque fois que je veux écrire une action contre leurs volontés, je me fait botter le cul. Eux font parfois des choses qui ne me plaisent pas. Mais je me retrouve à les écrire quand même, tout en aillant du mal à les comprendre. Je dois leur rendre justice malgré tout. Jusqu'à ce qu'ils s'en aille.
Heureux sont les auteurs qui ne passent pas leur temps à se disputer avec leurs héros.
Pour l'indépendance d'Isulka, Hourra!
Merci pour ton partage d’expérience Yon!
Quand tu dis que tu ne contrôles pas tes personnages, j'aurais tendance à penser qu'en fait si. Ce n'est peut-être pas conscient, mais inconsciemment c'est toi qui décide de tout. Ils restent définis par tes aspirations, tes valeurs, ton expérience, etc. Cela n'enlève absolument rien de la relation, mais c'est je pense intéressant pour la réflexion.
D'ailleurs, si on pousse les choses un peu plus loin: est-ce que les personnages sont si différents d'autrui ? La perception, l'image que nous avons des autres n'est pas 100% réelle, puisqu'elle passe par notre interprétation et donc notre cerveau. Tout comme nos personnages. Ainsi, sont-ils moins vrais que les gens que nous connaissons ? Difficile de répondre à cela de manière définitive en tout cas !
Ces réflexions m'ont inspiré une idée de nouvelle, idée qui doit déjà exister un peu partout mais qui garde son intérêt: et si Isulka débarquait dans la vie réelle ? Ce serait à la fois comique et introspectif à mon avis.
Cette illustration est magnifique. L'illustratrice a fait ça en bossant avec une maison d'édition ou c'est une commande personnelle ?
C'est une commande personnelle. J'ai trouvé sa galerie sur DeviantArt et j'ai accroché tout de suite.
Salut Dorian !
J'aime beaucoup ton article ! Et l'illustration est magnifique !
Ce n'est pas une expérience facile que de réaliser que son personnage vit au-delà de notre imagination. C'est à la fois gratifiant et effrayant. La première fois que mon héroïne a été dessinée par mon compagnon, j'ai eu beaucoup de mal à apprécier son visage. Je crois que je n'étais, au fond, pas prête à voir comment l'autre percevait mon personnage. Je m'en rends compte avec le recul. Et je crois que ça reste quelque chose de compliqué pour moi.
En tout cas, ton article m'a beaucoup parlé !
Au plaisir,
Merci pour ton retour Edel-Weiss, ça me fait plaisir !
Je pense que l'illustration nous fait nous rendre compte que le personnage est différent selon le public. Si on voyait dans la tête des lecteurs, au-delà de l'étrangeté de la situation, on serait sûrement très surpris de voir comment ils se représentent nos créatures ! Je te rejoins à 100% sur le gratifiant et effrayant..
Au final, on donne la vie, tout de même.
Merci encore et au plaisir également,
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