Pourquoi j’écris est une des questions que l’on m’a déjà
posée plusieurs fois et pour laquelle je n’ai pas de réponse simple et unifiée.
Je pense qu’il y a beaucoup de raisons qui poussent un individu à prendre la
plume et à poser les mots sur le papier (virtuel ou non) et répondre à cette
question demande un peu d’introspection.
L’exercice vaut le détour et je vous le conseille également,
car savoir pourquoi permettra de relativiser les attentes, les craintes et
simplement de mieux se connaître.
Bien sûr, tout ce que j’écrirai dans cet article ne concerne
que mes motivations personnelles, qui ne seront probablement pas partagées par
beaucoup.
Commençons !
1/ Raconter une histoire
L’écriture représente pour moi un média pour créer des
histoires. Je n’ai pas ce respect que vouent certains à la littérature et il ne
s’agit pas d’une passion absolue.
C’est plutôt un moyen comme un autre, mais surtout que je
maîtrise, pour exercer ma vraie passion : créer des personnages et des
intrigues.
Voilà pourquoi pendant des années j’ai fait du jeu de rôle
sans écrire, que j’aime le cinéma et les séries TV autant si ce n’est plus que
les bouquins et que j’adore les jeux-vidéo et principalement ceux qui offrent
le choix.
C’est aussi pour cela que j’aime le transmedia et que
j’aimerais autant écrire des scenarios que des romans, nouvelles ou encore des
jeux-vidéo.
La question de pourquoi j’aime raconter des histoires est un
peu plus complexe par contre. Cela m’a d’ailleurs plus l’air d’un sujet de
thèse que de de billet de blog : pourquoi les individus racontent-ils des
histoires ?
Essayons-nous à l’exercice.
Tout d’abord, je comprends pourquoi j’aime voir, lire,
entendre ou jouer des histoires : c’est une question de ressenti, d’empathie.
Je comparerais cela aux sensations fortes : quel intérêt avons-nous à faire
saut en parachute ou monter dans des montagnes russes ? À mon avis, cela fait
ressentir des sensations, des émotions et l’émotion est la drogue de
l’humanité.
Ressentir quelque chose de fort… que ne donnerait-on pas
pour cela ? Et bien vivre l’espace d’un instant, par procuration, la vie de
quelqu’un dont les émotions sont violentes et intenses, voilà quelque chose qui
importe et qui touche.
Lorsque le héros risque sa vie, au bord du gouffre et du
désespoir, mais qu’il trouve la force de lutter jusqu’au bout, c’est intense.
Quand la jeune fille se trouve sur le pas de la porte du père disparu qu’elle vient
enfin de retrouver, c’est intense. Quand l’héroïne se cache dans le placard
alors qu’un tueur sadique la cherche dans la chambre, c’est intense.
Et c’est selon moi toutes ces émotions qui font que l’on
aime tant les histoires.
Je vous laisse me contredire dans les commentaires si vous
n’êtes pas d’accord avec ce point de vue !
Maintenant que nous avons vu pourquoi nous aimons vivre des
histoires, que retire-t-on à en raconter soi-même ?
2/ Lutter contre la frustration
Créer des personnages et une intrigue capables de faire
ressentir toutes ces émotions est complexe.
- Il faut que l’on puisse s’identifier aux personnages et le lien empathique demande du travail, car un personnage creux ne procure pas beaucoup d’émotion.
- L’intrigue doit être crédible et immersive,
sinon l’esprit du lecteur/spectateur se rend compte que ce qu’il lit n’est pas
réel, l’illusion se fissure et le plaisir diminue d’autant.
- Le langage doit être élégant (que ce soit à l’écrit ou à la camera) et fluide, beau. La beauté fait aussi ressentir des émotions, qu’elle soit naturelle ou artificielle. Pour en revenir à l’écriture, plus la prose est belle (tout en restant accessible), plus le plaisir demeure.
Pour faire une métaphore érotique : le personnage, c’est le
partenaire. Quand on tient à l’autre, l’acte amoureux prend une toute autre
intensité. L’intrigue, c’est le contexte, le jeu, la technique, le passage à
l’acte : s’il est toujours identique, il ennuie, tandis que s’il est bâclé, il
perd en intérêt. Enfin, la prose, c’est la vue, les sens, l’appréciation de la
beauté, l’intérêt esthétique de l’acte.
Raconter une histoire (et l’art en général) n’est pas si différent de l’acte amoureux. La finalité reste la même : l’émotion.
Mais le problème des histoires racontées par d’autres, c’est
qu’elles nous mettent dans une situation de dépendance. Nous avons besoin que
des artistes écrivent une histoire qui corresponde à nos attentes, ce qui
arrive, bien sûr. Enfin, pour ma part c’est rare.
En général l’intrigue me déçoit, les personnages ne sont pas
ce que moi j’aurais fait. Je ne dis rien sur la prose qui souvent me va tout à
fait, mais même dans mes bouquins préférés il y a des passages, des détails qui
m’ennuient. Puis, quand enfin je tombe sur un chef d’œuvre (plutôt en cinéma,
séries et jeux-vidéo que bouquins, encore une fois), celui-ci se termine
toujours. C’est comme un pot de Hagen-Dasz, c’est frustrant.
Voilà pourquoi je raconte des histoires. C’est le seul moyen
pour ce qu’elles correspondent à mes attentes, à ce que je recherche, en tout
égoïsme.
C’est très vrai avec le jeu de rôle par exemple : je crée
des liens empathiques très forts avec les personnages que je joue en live
pendant des dizaines d’heures. Pour reprendre ma métaphore douteuse, ce ne sont
plus des partenaires d’un soir, mais des amants intenses. L’intrigue dépend
encore cette fois d’autres personnes (joueurs ou maître du jeu), mais celle-ci
est interactive, ce qui fait qu’il y a la même différence qu’entre conduire une
voiture de course ou une borne d’arcade.
Et c’est aussi vrai avec l’écriture. Il s’agit du média où
je me débrouille (contrairement au jeu-vidéo ou au cinéma) et du coup, je peux
créer, à l’écrit, les histoires que j’aimerais lire.
Je ne suis plus dépendant d’autrui pour vivre des aventures
et des émotions, car les personnages et les intrigues me correspondent
parfaitement (ou presque…). Par contre, de fait, les émotions sont moins vives,
car le plaisir de la surprise et de la découverte disparait au profit d’un
contrôle de sa frustration.
Dans un monde idéal, j’oublierais ce que j’écris pour
pouvoir m’y plonger moi-même, mais cela me semble compliqué.
3/ Se faire lire
Et là c’est étrange. Écrire, c’est donner de l’émotion à
l’inconnu qu’est le lecteur. C’est livrer ce qui nous fait vibrer soi et
espérer que l’autre le reçoive, l’apprécie et vibre aussi. J’avais déjà parlé
dans cet article de l’étrange relation entre auteur et lecteur et la genèse de
personnages qui en deviennent vivants.
Certains auteurs ont peur de l’autre et préfèrent un comité
restreint, voire inexistant. D’autres veulent à tout prix être lus, quitte à ne
plus parler que de ça.
Pour ma part, j’aime l’échange. Sur Wattpad, parler de mes
histoires et de comment mes lectrices (et rares lecteurs) les reçoivent a
quelque chose de grisant et de passionnant. Je me rends compte que j’écris
beaucoup pour être lu et, en quelque sorte, offrir une expérience que je suis
incapable de vivre pleinement moi-même avec mes histoires.
Dans un sens, je vis par procuration ce que les lectrices
ressentent en vivant elles-mêmes par procuration les vies de mes personnages.
La chaîne humaine de l’empathie !
Oui, l’art et l’être humain, quand on y réfléchit, sont
sacrément tordus…
Voilà, d’un article juste censé expliqué que j’écris ce que
j’aimerais lire, on en arrive à des discussions de philo. J’ai dû oublié de
mentionner que j’adorais cela.
Vos commentaires sont les bienvenus, je pense que l’article s’y prête d’ailleurs très bien !