Un auteur et, plus particulièrement, un
romancier est avant tout là pour raconter une histoire. Pour créer cette
histoire il lui faut bien sûr créer des personnages, des enjeux, écrire des
descriptions et choisir ses rebondissements. Plusieurs autres médias ont la
même fonction et je vais aujourd’hui vous parler du jeu de rôle, qui est à mon
avis un formidable outil pour développer l’imaginaire et qui a l’avantage
d’être social, à la différence de l’écriture.
Vous souvenez-vous lorsque vous étiez
haut comme trois pommes et que vous jouiez avec vos petits camarades au
gendarme et au voleur ? Le temps d’un jeu, vous deveniez quelqu’un d’autre
et faisiez « comme si ». Ce n’était pas vous qui couriez dans le
jardin en criant, mais votre voleur d’un jour. Le jeu de rôle est une version
pour adulte des jeux de « comme si » que nous avons tous pratiqués un
jour ou l’autre.
Dans les faits, comment cela se
passe-t-il ? Vous êtes en général entre quatre et cinq, de préférence des
copains mais ça marche aussi très bien avec des inconnus. La première étape est
de créer un personnage, lié à un univers (qui peut être ou non fictionnel) ,
selon des règles qui varient d’un jeu ou l’autre. Les jeux en question sont
généralement disponibles dans des boutiques spécialisées ou en ligne : ils
décrivent un univers et vous donnent des règles de jeu, qui varient
considérablement selon les jeux. On peut avoir du très simple ou du très
complexe, de l’inintéressant pompé à droite à gauche comme du génie.
Vous devez ainsi décider de votre
historique : êtes-vous un criminel du 20ème siècle
souhaitant venger vos parents ? Êtes-vous un sorcier-elfe luttant contre
un prince orc ? Êtes-vous Jedi déchu ? Tous les joueurs seront dans
le même univers, pour une question évidente de cohérence. Vous mettez en
général tout cela sur papier et choisissez également vos points forts et
faibles, encore une fois en suivant des règles communes : êtes-vous une
brute un peu idiote, auquel cas votre force sera importante mais votre
intellect limité ? Savez-vous vous battre par la magie mais êtes incapable
de vous intégrer à la vie sociale de votre époque ?
Lorsque vous avez fini, ce qui peut
prendre selon les jeux entre 15 min et une après-midi, vous obtenez un
personnage unique que vous avez créé, qui sera amené à côtoyer les personnages
également uniques des autres joueurs, dans le même univers qu’eux. Mais des
personnages ne créent pas une intrigue seuls (encore que) : un des joueurs
de la table ne prendra pas en main un seul personnage mais au contraire sera
responsable de l’histoire, de l’univers et de tous les autres personnages qui
peuplent celui-ci. Il est à la fois scénariste et metteur en scène et c’est lui
qui vous proposera des situations, des intrigues, des conflits que vos
personnages devront résoudre. C’est un animateur, que l’on appelle selon les
jeux : conteur, maître du jeu, dungeon master etc…
Exemple : admettons que vous ayez
décidé de jouer dans une ambiance film noir. Un joueur jouera sûrement un
détective, un autre jouera un journaliste et un troisième jouera la femme
fatale. Classique. Le conteur pourra très bien commencer l’histoire sur la
scène d’un crime, la police étant en train de passer les lieux au peigne fin.
Il vous décrira les lieux (disons une ruelle sombre), le corps (un homme en
trench, un poignard dans le dos), les personnes autour des lieux, les autres
journalistes… En tant que personnages, il vous reviendra de poser les bonnes
questions au conteur pour faire avancer l’histoire : celui qui joue le
détective pourra demander s’il y a des traces de pas, si la victime était
armée, des signes distinctifs ou autre. Les échanges, à l’oral, feront
progresser l’histoire, à la manière d’une œuvre de fiction.
Autre exemple : Plus tard dans
l’histoire, le tueur est cerné et une fusillade éclate. Il n’est plus question
de parler, mais d’agir. Les personnages diront ce qu’ils font : le
détective, armé, se mettra à couvert et tirera sur le tueur. Comment savoir
s’il touche ? C’est le moment où les règles entrent en jeu et en général
une dose de hasard, symbolisé par les dés, permet de déterminer le succès ou
l’échec d’une action. Le conteur est également là pour juger de la cohérence
des actions et, le cas échéant, recadrer le jeu et veiller à ce que l’univers
soit respecté.
L'intérêt pour l'écriture.
La difficulté, mais aussi tout l’intérêt
de conter dans un jeu de rôle, c’est que l’histoire est vivante. Un maître du
jeu peut avoir très bien ficelé une intrigue, il ne connaîtra jamais à l’avance
les décisions de vos personnages. Vos décisions. Il présente des opportunités
et c’est l’imaginaire de chacun qui détermine comment sera vécue l’histoire,
comment elle se terminera. Lorsque l’on est conteur dans ce type de jeu, on est
sans arrêt surpris par l’intelligence des joueurs, par leurs réactions, par la
personnalité de leurs personnages. Ils font des choses auxquelles vous n’auriez
jamais pensé et peuvent rendre épiques des moments que vous jugiez peu
intéressant, ou réciproquement.
Lorsque vous écrivez vous pouvez être
surpris pas les choix de vos personnages, mais malgré tout vous gardez le
contrôle. Partager le contrôle est, à mon sens, beaucoup plus gratifiant. Et
cela est inspirant. Imaginez que vous avez une trame pour votre prochain roman,
mais avec des points troubles : ne serait-il pas intéressant que de faire
jouer cette trame à des personnages et voir comment ils réagissent à votre
univers, à votre imagination ? Peut-être que ce duc que vous pensiez très
intéressant va s’avérer ennuyeux à mourir mais que ce mendiant que vous aviez à
peine élaboré va prendre tout son sens.
C’est également une bonne idée que de
jouer un des personnages que vous souhaitez intégré à votre histoire (même si
l’univers n’est pas forcément exactement le même). Vous aurez ainsi du vécu en
tête, une notion plus claire de sa personnalité, des anecdotes, une façon de
penser… C’est ce que j’ai fait pour mon roman.
Pour aller plus loin :
Il y a sur le marché beaucoup de jeux de
rôle. Parfois un livre suffit, parfois il faut toute une collection pour jouer,
à des prix et surtout des intérêts variables. Voici trois jeux que je peux
conseiller, que vous connaissiez ou non ce passe-temps.
Par quel jeu commencer ?
Le Monde des Ténèbres est un jeu
contemporain donnant la part belle au fantastique. La gamme est variée et vous
pouvez y jouer aussi bien un humain lambda, un vampire, mage, loup-garou. Il
vous faudra le livre « Monde des ténèbres », qui suffit seul pour
jouer un être humain, que vous compéterez d’un livre spécialisé pour les autres
races surnaturelles. Il y a de nombreux suppléments, mais pour commencer cela
est amplement suffisant.
Son système de règles est extrêmement
simple et bien conçu et il est adaptable à la plupart des univers que vous
pourrez imaginer. Il n’y a pas mieux pour se lancer. Malheureusement, le jeu est devenu assez difficile à trouver depuis quelques années en version légale (du moins en français), mais doit être téléchargeable quelque part.
Le meilleur de la SF :
Un grand coup de cœur si vous aimez la
science-fiction : Eclipse Phase. Ce jeu est un peu plus complexe et les
règles sont un peu trop touffues, mais il vous présente un univers richissime,
crédible et réaliste, avec des thèmes profonds sur la transhumanité, la place
de l’homme et de la machine et la politique.
Le pitch de base est, qu’au 22ème siècle,
l’être humain est à présent capable de numériser sa conscience et de la
convertir en programme informatique. La conquête du système solaire avance, les
IA sont devenues incroyablement complexes et des sociétés modernes sont
apparues, dominées par des hypercorporations ou des communautés libertaires et
open-source (je simplifie).
A noter que le créateur appliquant ses
valeurs open-source, la gamme en PDF est librement téléchargeable en anglais, alors qu'en français seul le guide d'introduction est disponible gratuitement.
Hissez les voiles :
Un jeu Français cette fois-ci, Pavillon Noir
est un jeu historique, lui aussi assez simple, vous mettant au cœur de l’âge
d’or de la piraterie. Vous êtes les membres d’un équipage vivant pour la
gloire, l’or et la liberté.
Le livre de base est très détaillé et
historiquement riche, si bien que si l’époque vous intéresse, il vaut le coup
juste pour son intérêt documentaire. Il vous présente les grandes phases de la
piraterie, l’organisation du nouveau monde, d’un équipage et vous donne une
foule d’informations intéressantes et facilement utilisables. Son supplément va
plus loin et se concentre sur les navires de l’époque et l’art du combat
maritime.
Où trouver des joueurs:
Dernier point, si vous voulez vous lancer, il peut-être utile de se rapprocher d'associations qui existent dans la plupart des grandes villes. Vous pouvez pour vous renseigner vous adresser aux boutiques spécialisées, où l'on pourra vous orienter. Pour ceux qui sont en région parisienne, le forum Opale regroupe de nombreux joueurs et a une section dédiée à l'organisation de parties.
Il y a également des conventions qui permettent de s'initier et de rencontrer d'autres joueurs ou des créateurs:
Sur le site du GROG (Guide du Rôliste Galactique), bien documenté sur le sujet, vous trouverez un calendrier complet de tout ce qui se fait.
2 commentaires:
C'est drôle, on a visiblement le même parcours rôlistique :D Dans les années 90, j'étais un fervent joueur du "World of Darkness". Un jeu de rôle maison, "les Huit Lances de Diamant", a en partie inspiré l'écriture de ma trilogie, tant au niveau des personnages que pour l'univers des "Pirates de l'Escroc-Griffe". Je ne connais pas "Eclipse Phase" qui a l'air excellent, en revanche j'ai tellement adoré "Pavillon Noir" que j'ai contacté son concepteur pour le féliciter :)
Eclipse Phase est vraiment une merveille, d'une richesse que je n'ai jamais vue ailleurs. Il faut aimer la SF et l'apprivoiser, mais il en vaut la peine. Mon jdr culte reste Kult, mais je ne le conseillerais pas pour débuter...
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