jeudi 11 juin 2015 | By: Morgane Stankiewiez

Le Jeu de rôle et l'écriture.

Un auteur et, plus particulièrement, un romancier est avant tout là pour raconter une histoire. Pour créer cette histoire il lui faut bien sûr créer des personnages, des enjeux, écrire des descriptions et choisir ses rebondissements. Plusieurs autres médias ont la même fonction et je vais aujourd’hui vous parler du jeu de rôle, qui est à mon avis un formidable outil pour développer l’imaginaire et qui a l’avantage d’être social, à la différence de l’écriture.


Qu’est-ce que le jeu de rôle ?


Vous souvenez-vous lorsque vous étiez haut comme trois pommes et que vous jouiez avec vos petits camarades au gendarme et au voleur ? Le temps d’un jeu, vous deveniez quelqu’un d’autre et faisiez « comme si ». Ce n’était pas vous qui couriez dans le jardin en criant, mais votre voleur d’un jour. Le jeu de rôle est une version pour adulte des jeux de « comme si » que nous avons tous pratiqués un jour ou l’autre.

Dans les faits, comment cela se passe-t-il ? Vous êtes en général entre quatre et cinq, de préférence des copains mais ça marche aussi très bien avec des inconnus. La première étape est de créer un personnage, lié à un univers (qui peut être ou non fictionnel) , selon des règles qui varient d’un jeu ou l’autre. Les jeux en question sont généralement disponibles dans des boutiques spécialisées ou en ligne : ils décrivent un univers et vous donnent des règles de jeu, qui varient considérablement selon les jeux. On peut avoir du très simple ou du très complexe, de l’inintéressant pompé à droite à gauche comme du génie.

Vous devez ainsi décider de votre historique : êtes-vous un criminel du 20ème siècle souhaitant venger vos parents ? Êtes-vous un sorcier-elfe luttant contre un prince orc ? Êtes-vous Jedi déchu ? Tous les joueurs seront dans le même univers, pour une question évidente de cohérence. Vous mettez en général tout cela sur papier et choisissez également vos points forts et faibles, encore une fois en suivant des règles communes : êtes-vous une brute un peu idiote, auquel cas votre force sera importante mais votre intellect limité ? Savez-vous vous battre par la magie mais êtes incapable de vous intégrer à la vie sociale de votre époque ?

Lorsque vous avez fini, ce qui peut prendre selon les jeux entre 15 min et une après-midi, vous obtenez un personnage unique que vous avez créé, qui sera amené à côtoyer les personnages également uniques des autres joueurs, dans le même univers qu’eux. Mais des personnages ne créent pas une intrigue seuls (encore que) : un des joueurs de la table ne prendra pas en main un seul personnage mais au contraire sera responsable de l’histoire, de l’univers et de tous les autres personnages qui peuplent celui-ci. Il est à la fois scénariste et metteur en scène et c’est lui qui vous proposera des situations, des intrigues, des conflits que vos personnages devront résoudre. C’est un animateur, que l’on appelle selon les jeux : conteur, maître du jeu, dungeon master etc…

Exemple : admettons que vous ayez décidé de jouer dans une ambiance film noir. Un joueur jouera sûrement un détective, un autre jouera un journaliste et un troisième jouera la femme fatale. Classique. Le conteur pourra très bien commencer l’histoire sur la scène d’un crime, la police étant en train de passer les lieux au peigne fin. Il vous décrira les lieux (disons une ruelle sombre), le corps (un homme en trench, un poignard dans le dos), les personnes autour des lieux, les autres journalistes… En tant que personnages, il vous reviendra de poser les bonnes questions au conteur pour faire avancer l’histoire : celui qui joue le détective pourra demander s’il y a des traces de pas, si la victime était armée, des signes distinctifs ou autre. Les échanges, à l’oral, feront progresser l’histoire, à la manière d’une œuvre de fiction.

Autre exemple : Plus tard dans l’histoire, le tueur est cerné et une fusillade éclate. Il n’est plus question de parler, mais d’agir. Les personnages diront ce qu’ils font : le détective, armé, se mettra à couvert et tirera sur le tueur. Comment savoir s’il touche ? C’est le moment où les règles entrent en jeu et en général une dose de hasard, symbolisé par les dés, permet de déterminer le succès ou l’échec d’une action. Le conteur est également là pour juger de la cohérence des actions et, le cas échéant, recadrer le jeu et veiller à ce que l’univers soit respecté.



L'intérêt pour l'écriture.

La difficulté, mais aussi tout l’intérêt de conter dans un jeu de rôle, c’est que l’histoire est vivante. Un maître du jeu peut avoir très bien ficelé une intrigue, il ne connaîtra jamais à l’avance les décisions de vos personnages. Vos décisions. Il présente des opportunités et c’est l’imaginaire de chacun qui détermine comment sera vécue l’histoire, comment elle se terminera. Lorsque l’on est conteur dans ce type de jeu, on est sans arrêt surpris par l’intelligence des joueurs, par leurs réactions, par la personnalité de leurs personnages. Ils font des choses auxquelles vous n’auriez jamais pensé et peuvent rendre épiques des moments que vous jugiez peu intéressant, ou réciproquement.

Lorsque vous écrivez vous pouvez être surpris pas les choix de vos personnages, mais malgré tout vous gardez le contrôle. Partager le contrôle est, à mon sens, beaucoup plus gratifiant. Et cela est inspirant. Imaginez que vous avez une trame pour votre prochain roman, mais avec des points troubles : ne serait-il pas intéressant que de faire jouer cette trame à des personnages et voir comment ils réagissent à votre univers, à votre imagination ? Peut-être que ce duc que vous pensiez très intéressant va s’avérer ennuyeux à mourir mais que ce mendiant que vous aviez à peine élaboré va prendre tout son sens.

C’est également une bonne idée que de jouer un des personnages que vous souhaitez intégré à votre histoire (même si l’univers n’est pas forcément exactement le même). Vous aurez ainsi du vécu en tête, une notion plus claire de sa personnalité, des anecdotes, une façon de penser… C’est ce que j’ai fait pour mon roman.


Pour aller plus loin :

Il y a sur le marché beaucoup de jeux de rôle. Parfois un livre suffit, parfois il faut toute une collection pour jouer, à des prix et surtout des intérêts variables. Voici trois jeux que je peux conseiller, que vous connaissiez ou non ce passe-temps.



Par quel jeu commencer ?

http://www.legrog.org/jeux/monde-des-tenebres-2004/monde-des-tenebres-fr


Le Monde des Ténèbres est un jeu contemporain donnant la part belle au fantastique. La gamme est variée et vous pouvez y jouer aussi bien un humain lambda, un vampire, mage, loup-garou. Il vous faudra le livre « Monde des ténèbres », qui suffit seul pour jouer un être humain, que vous compéterez d’un livre spécialisé pour les autres races surnaturelles. Il y a de nombreux suppléments, mais pour commencer cela est amplement suffisant.

Son système de règles est extrêmement simple et bien conçu et il est adaptable à la plupart des univers que vous pourrez imaginer. Il n’y a pas mieux pour se lancer. Malheureusement, le jeu est devenu assez difficile à trouver depuis quelques années en version légale (du moins en français), mais doit être téléchargeable quelque part.




Le meilleur de la SF :

http://www.black-book-editions.fr/index.php?site_id=187


Un grand coup de cœur si vous aimez la science-fiction : Eclipse Phase. Ce jeu est un peu plus complexe et les règles sont un peu trop touffues, mais il vous présente un univers richissime, crédible et réaliste, avec des thèmes profonds sur la transhumanité, la place de l’homme et de la machine et la politique.

Le pitch de base est, qu’au 22ème siècle, l’être humain est à présent capable de numériser sa conscience et de la convertir en programme informatique. La conquête du système solaire avance, les IA sont devenues incroyablement complexes et des sociétés modernes sont apparues, dominées par des hypercorporations ou des communautés libertaires et open-source (je simplifie).

A noter que le créateur appliquant ses valeurs open-source, la gamme en PDF est librement téléchargeable en anglais, alors qu'en français seul le guide d'introduction est disponible gratuitement.

Hissez les voiles :

http://www.black-book-editions.fr/index.php?site_id=2


Un jeu Français cette fois-ci, Pavillon Noir est un jeu historique, lui aussi assez simple, vous mettant au cœur de l’âge d’or de la piraterie. Vous êtes les membres d’un équipage vivant pour la gloire, l’or et la liberté.

Le livre de base est très détaillé et historiquement riche, si bien que si l’époque vous intéresse, il vaut le coup juste pour son intérêt documentaire. Il vous présente les grandes phases de la piraterie, l’organisation du nouveau monde, d’un équipage et vous donne une foule d’informations intéressantes et facilement utilisables. Son supplément va plus loin et se concentre sur les navires de l’époque et l’art du combat maritime.



Où trouver des joueurs:

Dernier point, si vous voulez vous lancer, il peut-être utile de se rapprocher d'associations qui existent dans la plupart des grandes villes. Vous pouvez pour vous renseigner vous adresser aux boutiques spécialisées, où l'on pourra vous orienter. Pour ceux qui sont en région parisienne, le forum Opale regroupe de nombreux joueurs et a une section dédiée à l'organisation de parties.

Il y a également des conventions qui permettent de s'initier et de rencontrer d'autres joueurs ou des créateurs:

Sur le site du GROG (Guide du Rôliste Galactique), bien documenté sur le sujet, vous trouverez un calendrier complet de tout ce qui se fait.

2 commentaires:

Escrocgriffe a dit…

C'est drôle, on a visiblement le même parcours rôlistique :D Dans les années 90, j'étais un fervent joueur du "World of Darkness". Un jeu de rôle maison, "les Huit Lances de Diamant", a en partie inspiré l'écriture de ma trilogie, tant au niveau des personnages que pour l'univers des "Pirates de l'Escroc-Griffe". Je ne connais pas "Eclipse Phase" qui a l'air excellent, en revanche j'ai tellement adoré "Pavillon Noir" que j'ai contacté son concepteur pour le féliciter :)

Morgane Stankiewiez a dit…

Eclipse Phase est vraiment une merveille, d'une richesse que je n'ai jamais vue ailleurs. Il faut aimer la SF et l'apprivoiser, mais il en vaut la peine. Mon jdr culte reste Kult, mais je ne le conseillerais pas pour débuter...

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